Zimmer Héribert, (dit Herbert), né le 21 août 1925, habitant Wadgassen en Sarre.
NdR : Grâce à Roger Haen de Théding, ami de longue date de Zimmer Héribert, j’ai pu rencontrer récemment cet alerte (presque) nonagénaire qui fut affecté comme sous-marinier sur l’U-Boot 427 de septembre 1943 au 16 mai 1945, pour évoquer notamment avec lui l’attaque anglaise du 11 janvier 1945 au cours de laquelle sombra la ‘Charlotte’ sur laquelle servait Charles Jacobs de Petite-Rosselle.
N’ayant guère conservé de souvenirs précis sur ce naufrage, le Sarrois (considéré comme Français après sa libération de captivité en février 1947) m’évoqua par contre d’autres aspects de sa vie à bord du U-Boot 427.
Rappel historique :Avec sa quille posée sur cales le 27 juillet 1942 au chantier naval de Dantzig, l’U-427, sous-marin allemand de type VII-C est lancé le 6 février 1943.
Disposant d’un équipage de 51 hommes placés sous le commandement de l’enseigne de vaisseau de 1ère classe, l’Oberleutnant zur See Graf Carl-Gabriel von Gudenus, un Comte autrichien, le sous-marin a survécu à la guerre. Si la plupart des U-Boote ont acquis leur notoriété en raison du nombre de navires coulés, la gloire du U-427 a été accomplie de manière fort différente !
Parti au combat le 21 juin 1944, et ce jusqu’à la fin de la guerre, l’U-427 n’a jamais pu détruire de cibles. Certes, en prenant part à la dernière attaque de convoi de la guerre, il a tiré trois torpilles sur les vaisseaux canadiens, les HMCS Haida et HMCS Iroquois, le 29 avril 1945, mais en les manquant tous les deux.
L’escorte d’accompagnement le prit alors en chasse et c’est en cela que l’U-Boot 427 est connu pour avoir survécu, paraîtrait-il, à 678 explosions de grenades sous-marines, le KTB du U-427 n’en mentionnant cependant que 260. Grâce à une bonne chance et sans doute à une égale habileté, l’U-Boot put s’échapper et revenir le 3 mai 1945 à sa base à Kilbotn. Incapable ensuite d’entamer une quelconque plongée, il fut escorté par les U-968 et U-481 à Narvik.
Les sous-marins qui se trouvaient dans la région de Narvik à la fin de la guerre furent tous déplacés le 12 mai vers le Skjomenfjord sur ordre des Alliés pour éviter des conflits avec les Norvégiens revanchards. Le 15 mai, un convoi allemand de cinq navires (le ‘Grille ‘ avec le personnel du FDU Norvège à bord, le cargo-pétrolier de ravitaillement ‘Kärnten’, le navire de réparations ‘Kamerun’ et les navires d’approvisionnement ‘Huascaran’ et ‘Stella Polaris’) et 15 sous-marins (U-278, U-294, U-295, U-312, U-313, U-318, U-363, U-427, U-481, U-668, U-716, U-968, U-992, U-997 et U-1165) furent interceptés durant leur transfert vers Trondheim (Drontheim). Après y avoir fait relâche, les sous-marins furent conduits par le 9. Escort Group à Loch Eriboll, en Ecosse où ils arrivèrent le 19 mai et plus tard ils furent envoyés à Loch Ryan en vue de leur destruction.
Dans le cadre de l’Opération Deadlight, l’U-427 fut coulé le 21 décembre 1945 (après son remorquage) à 15.05 par l’artillerie du HMS Enchanter.
Son commandant, le Comte von Gudenus, fut libéré de captivité le 24 décembre 1947.
« Sur l’équipage installé à bord du U-427, nous sommes actuellement encore deux survivants de cette épopée démentielle que je ne voudrais plus revivre. Il faut être jeune, en pleine force de l’âge pour pouvoir séjourner dans ces logements clos : repaire (Behausung) de privations, bauge de saletés, étouffoir de fatigue et de bruits, nid de solitude et d’insécurité constante, vrai foutoir où chacun vivait entassé à l’image de livres de collections empilés pêle-mêle dans leur rayon par un rat de bibliothèque étonnamment brouillon ! Talentueux et scrupuleux jusqu’au bout des ongles dans chacun de nos rôles, il fallait disposer de tous ses moyens physiques, de sa vigueur juvénile, d’un optimisme béat et d’une malléabilité docile à toute épreuve, l’époque de sacrifices et d’obéissance absolue le voulant, pour surmonter la promiscuité, une fois la trappe de notre clôture verrouillée.
J’ai toujours aimé l’eau et j’ai appris à nager dès l’âge de 10 ans n’hésitant pas à partir de bon matin à la piscine de la localité voisine. Père qui pressentait le drame que la folie hitlérienne enclencherait quelques années plus tard avait confié à ma mère : « Quand Herbert ira sur ses 18 ans, il vaut mieux qu’il s’engage dans la Kriegsmarine, il aura un lit, mangera à sa faim plutôt que de savoir notre fiston croupir dans les tranchées et y côtoyer la mort au quotidien. » Ce que père ignorait cependant, c’est que les techniciens alliés allaient acquérir progressivement la maîtrise aérienne et maritime devant les façades de l’Océan Atlantique. Avec le déchiffrage du code de l’Enigma percé par les Anglais et l’emploi du Huff-Duff qui était un appareil de radiogoniométrie capable de détecter l’origine des émissions-radio envoyées par les U-Boote, séjourner en fin de conflit dans un submersible relevait de la mort attendue, sur ordre de sacrifice suprême, dans un inconfort incommensurable !
Après mes huit jours de tests médicaux passés à Kiel en mars 1943 suivis de ma formation passée d’abord dans une Schiffstammabteilung pour une initiation militaire de base, puis dans une U-Bootrekruten Ausbildung dispensant un enseignement spécifique plus poussé, j’arrivais en septembre 1943 à Gotenhafen où je fus affecté sur l’U-427 dont les sous-mariniers présents avaient déjà entamé quelques dégrossissages devant la commission de sélection, l’UAK (U-Boot Abnahmekommando) qui suivait alors les faits et gestes des hommes avant de leur accorder l’attribution définitive. En intégrant ma nouvelle enveloppe cuirassée, j’appris par exemple que mon U-Boot avait subi avec l’U-470 une collision à la proue en entrant dans le port de Gotenhafen, une mésaventure qui fut suivie peu après d’un dramatique accident à bord subi par deux mécanos diésel, Brindöpke et Sliwinski évacués en raison de leurs blessures mais qui nous revinrent guéris et donc aptes à repartir.
Différents soucis matériels se présentèrent avec la vérification de l’étanchéité des ballasts qui laissait à désirer, avec le remplacement du périscope de croisière grippé dans sa monture télescopique et les frottements de la chaîne d’ancre qui tardait de ce fait à coulisser promptement dans sa ligne de mouillage.
Puis des défaillances mécaniques (panne d’émetteur, réparations du GHG et du Jumbo, cliquetis dans les pistons, vibrations dans l’arbre de commande, anomalies faussant les barres avant) s’enchaînèrent de manière imprévue, nous confirmant si besoin était la fragilité de notre fuseau d’acier ! Par ailleurs, comme des imperfections dans le code de parfaite navigation sous-marine avaient été relevées, il nous fallut :
- continuer à maîtriser notre bateau avec des épreuves poussées liant des plongeons à –100 mètres à de rapides remontées en surface, puis des séances de démagnétisation à Pillau en raison de mines infestant les passes et larguées de nuit par l’ennemi,
- reprendre la répétition d’exercices tactiques dédoublés (Wiederholung Vortaktische auprès de la 20.U-Flottille à Pillau puis Taktisches auprès de la 27.Ufl à Gotenhafen) et prolongés par des essais de vitesse et d’endurance mais aussi par des courses en boucles (Schleife) toujours à Gotenhafen,
- et renouveler de fastidieux phasages d’impeccable navigabilité poursuivis par de durs entraînements au combat (Gefechtsausbildung), sachant que ces séries d’examens et de corrections étaient toujours placées sous l’étroite surveillance d’ingénieurs-examinateurs de ladite commission. Cette dernière voulait s’assurer définitivement du bon fonctionnement des différents moteurs et matériels installés à bord, mais surtout vérifier qu’il ne subsistât point de faille dans la chaîne d’exécution des centaines de manœuvres que nous devions maîtriser.
Satisfait du respect pointilleux des procédures d’émersion-immersion qui était tout particulièrement surveillé, l’autorité de l’UAK délivrait alors un satisfecit qui équivalait à reconnaître l’aptitude de l’équipage au combat. Pour mériter l’insigne du Frontreif de notre U-Boot fin prêt pour un déploiement en opération de guerre qu’on nous remit le 4 janvier 1944, il nous fallait avoir confirmé la fiabilité et la parfaite maîtrise de notre sous-marin avec un équipage soudé, maître de ses nerfs, en osmose avec sa hiérarchie, mûr pour la bagarre des mers.
Il y eut encore les lancers de torpilles lors du TEK (Torpedo Erprobungs Kommando) à Gotenhafen, précédés par la mise en place d’un nouveau dispositif de lancement de torpilles (Einbau FAT-Stellzeug).
Avec un arrêt imprévu à Sassnitz pour déminer notre route, on fila sur Kiel où l’on nous installa une nouvelle tour n° 4 (Turm IV) équipée d’un canon flak 3,7 cm automatique et de deux doubles mitrailleuses sur affût : cette installation et les exercices d’entraînement aux tirs prirent deux mois. Par la suite, nous avons refait des manœuvres tactiques, des exercices de tir, et en dernier lieu nous, avons effectué un passage auprès de l’UAG Schall devant Hasle sur l’île de Bornholm.
L’odeur de gasoil était insupportable à tel point que lorsque nous étions à terre, les demoiselles avec qui on liait conversation le sentaient à mille lieues à la ronde : les effluves mazoutés nous avaient littéralement imprégnés d’émanations indélébiles, guère appréciés par l’odorat féminin ! Heureusement que notre uniforme de sortie donnait du crédit à notre prestance et charmait les rencontres. Pour dissiper ce bain toxique de notre organisme, tout l’équipage immiscé trop longtemps dans cette atmosphère délétère de gaz suffocants avait droit à deux semaines d’oxygénation le long des fjords (Liegeplatz Insel Ärnoÿ dans le Högsfjord) pour des parties de pêche ou des escapades dans la campagne. On bénéficia également de villégiatures lors de petits congés, appelés Kurzurlaub von Bord, dans des chalets de montagne réquisitionnés pour nous remettre en forme dans l’air revigorant des alpages norvégiens. A la fin de ces vacances de pur bonheur, le vieux passait dans tous les logis vérifier le bon état des lieux pour ne pas encore accentuer la germanophobie des propriétaires mais leur laisser une bonne image de marque des estivants, si respectueux des biens d’autrui.
N’imaginez pas un seul instant qu’un U-Boot amarré à quai y gîte tranquillement ! A chaque relève la sentinelle de garde doit aller constater le niveau de la ligne de flottaison dont les marques s’échelonnent sur la proue du sous-marin et lui servent de repères de flottabilité.
Quoi que l’on fasse, le submersible s’enfonce imperceptiblement dans les eaux (Tiefgang) : si les fentes inondables (Flutschlitze) des ballasts n° 1 et 3 peuvent être fermées, les autres absorbent graduellement les arrivées d’eau. Au bout de 8 jours, l’U-Boot aurait bu la tasse ! Le gradé de service (Wachhabender Offizier) procédait alors au remplissage d’air dans les ballasts pour sa bonne remise à flots.
Pas de lavage corporel à bord sinon des douches fortuites comme celle vécue sur le ‘Prinz Eugen’ auprès duquel nous avions un jour accosté et dont le pacha nous autorisa à en bénéficier. La lessive sommaire se faisait à l’eau de mer pour éliminer sueur et saletés des habits encrassés avec un savon spécial moussant en milieu liquide. Personne ne songeait à se raser car la salinité aurait accentué le coup-de-feu sur les joues rapidement mises à sang ; l’on voyait les hommes rentrer à la fin de la mission avec des barbes-choucroute et des tignasses hirsutes.
De temps en temps, on débranchait le flexible du refroidisseur du diésel pour asperger quelques camarades qui nécessitaient vraiment un décrassage en règle, notamment de leurs panards qui sentaient la charogne ! Certains marins avaient hérité de morpions, les Sackratten, qu’on badigeonnait au gas-oil pour les déloger. Aïe, aïe !
La vie était organisée de façon à éviter toute tension inutile avec des codes de bonne conduite. Chaque homme était reconnu pour son importance : barreurs, cuisinier, mécaniciens, torpilleurs, commandant, tous logés à la même enseigne. L’entretien du sous-marin requérait la présence assidue de tous. Marginaliser son voisin, c’était vouloir le rabaisser. Il fallait dissiper les sautes d’humeur de certains grognards sinon les broutilles auraient viré au vinaigre et seraient devenues des conflits latents dans notre tanière d’ours parfois bien mal léchés !
Meubler les heures qui se déroulaient interminablement à bord parut être la difficulté principale à surmonter car l’atmosphère claustrale provoquait une morosité du quotidien propice à la gamberge qui confinait certains mélancoliques dans une neurasthénie malvenue. Chasser l’ennui passait par le récréatif et la bonne humeur : le hasard faisant bien les choses, nous avions à bord un prestidigitateur, dénommé Munke le silencieux, der stille Munke qui nous repassait souvent ses tours de passe-passe avec un Zauberkasten, une boîte de malices qu’aucun d’entre nous, même avec les gestes lents de démonstration n’arrivait à imiter ! Corde magique, pièce d’argent qui disparaît, journal déchiré puis mystérieusement reconstitué nous plongeaient dans l’émerveillement magique de l’illusionniste jamais à court d’astuces (Tricks).
Le sommeil, quel diable de supplice, surtout lorsqu’on devait garder l’œil ouvert face aux somnolences engendrées par les fatigues continuelles et le peu de récupération gagné sur nos tâches ardues ! J’ai failli être surpris dans un de mes tours de garde par l’officier survenu derrière moi et qui m’a appelé, pensant que j’avais sombré dans les bras de Morphée. J’ai eu la chance de réagir au quart de tour et je me suis retourné pour répondre à son appel. Après mon quart de 6 heures, dès la garde ou la surveillance des moteurs terminée, je filais rejoindre en vitesse ma couchette à l’arrière du bateau et ne penser qu’à une chose, y DORMIR, n’étant nullement incommodé par les bruits du diésel mais bercé au contraire par ses vibrations.
Bien campé sur mes pattes durant les roulis, j’ai réussi à surmonter le mal de mer, je devins Seefest. Mon solide estomac bien calé conditionnait mon aptitude à vaincre vertiges, somnolences et autres évanouissements tels que les a connus un de nos camarades qui a dû renoncer à séjourner à bord, car à chaque sortie il était malade comme un chien et dégurgitait ses prises comme un héron au-dessus de sa couvée affamée. « Accroche au bout d’un fil un morceau de lard que tu avaleras et qu’il te suffira de retirer de l’estomac encombré pour le vider ! »
Une blague douteuse qui faisait gerber pour de bon le malheureux à qui ce plaisantin avait fait entrevoir la solution-miracle ! Sans plastronner, je peux tout de même avouer que mes débuts de vomisseur sur l’eau n’ont pas été non plus très glorieux mais l’animal bipède que j’étais a surmonté progressivement la difficulté.
Une citerne de 500 litres de gasoil surnageant au-dessus de l’eau de mer s’étirait sous le plafond de la salle des moteurs. Dès que l’on s’apercevait que la jauge frisait les 100 litres et que l’on risquait de soutirer plus d’eau que de carburant, on ouvrait le robinet des grands réservoirs situés sous le pont pour remplir à nouveau le Tank. Il m’est arrivé, mais de manière exceptionnelle, de profiter de rayons de soleil lorsque je devenais pourvoyeur de munitions qu’il nous fallait transbahuter à partir du bas du kiosque jusque sur la passerelle. En effet, lorsque les balles de 37 et de 20 mm casées dans les caissons hermétiques et étanches du pont (Munitionsoberdeckstuben) s’amenuisaient, une dotation complémentaire était ramenée au jour en une espèce de chaîne humaine alimentée par une dizaine de pourvoyeurs à destination des mitrailleuses et du canon flak installés dans les jardins d’hiver, les Wintergarten.
Mécanicien chargé des moteurs électriques, face à l’acide agressif et aux odeurs intolérables qui stagnaient sous le plafond, je disposais d’un treillis caoutchouté spécial en plus d’habits feutrés dont le tissu ne brûlait pas sous les effets corrosifs des huiles et de l’acide des batteries. Pour contrôler une fois par jour l’état de ces piles, j’empruntais un chariot qui coulissait comme un traîneau à roulettes au-dessus des accus dont l’étanchéité et la tension (Säuredichte, Säurestand, Spannung) étaient constamment surveillées car il fallait garder du jus pour remonter en surface. De plus, comme j’étais gaucher, mon poste était très prisé et recherché car certaines vannes ne se manipulaient qu’à sénestre. Desserrer, resserrer des conduites de refroidissement ou colmater des arrivées d’eau en tamponnant des bouchons de bois sur des rivets qui avaient sauté requéraient cette dextérité que des droitiers auraient été incapables de produire dans l’enchevêtrement des tuyaux !
Un Obermachinist très pédagogue m’avait vraiment à la bonne en m’inculquant progressivement les mille et une astuces à connaître sur les différents moteurs à bord, n’élevant jamais la voix pour me proférer des moqueries désobligeantes par rapport à mon inculture dans certains domaines mécaniques. En effet, comme vous vous en doutez bien, un apprenti n’appréhende pas du jour au lendemain la technicité, qui plus est, expliquée au pas de charge à la U-Boot Lehr Division à partir de modèles de moteurs découpés et de schémas théoriques.
Grâce à mon mentor, j’appris que les Kapselgebläse étaient des espèces de compresseurs d’air placés en duo à côté des diésels qui activaient ainsi le rendement des moteurs, à l’image des turbos installés devant les chambres de combustion des voitures actuelles, alors qu’ici ils étaient destinés à accentuer la vitesse du bateau.
Dès la prise de plongée, les diésels étaient stoppés et la marche sous l’eau se faisait grâce à une E-Maschine alimentée par du courant continu. Comme pour les diésels évoluant en surface, ce moteur électrique mettait en rotation un arbre de transmission, relayé par un embrayage, qui entraînait alors l’hélice du sous-marin pour assurer sa progression dans l’eau. L’électricité nécessaire était fournie par des batteries disposées en grand nombre au fond du sous-marin, lesquelles avaient été chargées préalablement grâce au moteur électrique converti en générateur entraîné par les diésels (évoluant en surface ou en immersion périscopique). Périodiquement le sous-marin devait faire surface pour renouveler l’atmosphère intérieure et charger les accumulateurs d’énergie. Le schnorchel assurait l’alimentation en air frais du moteur diésel et le rejet des échappements. Le moteur diésel était mis en marche lorsque le sous-marin était proche de la surface, avec le schnorchel émergé pour capturer l’oxygène de l’air nécessaire au fonctionnement du moteur. Durant le chargement des batteries, le sous-marin était vulnérable et très facilement détectable car il était en surface et faisait du bruit. Habituellement un sous-marin classique ne pouvait guère rester plus d’une journée en immersion complète sans recharger ses batteries.
La dépression-surpression, une calamité ! En aspirant l’atmosphère du bord en raison du vide créé par la prise d’air du diésel bloquée par l’obturation du clapet surmontant la tête du schnorchel, le moteur enclenchait une horrible succion vouée à tous les diables, notamment par les blessés de l’ouïe exaspérés par la continuelle souffrance générée par une mécanique qui les soumettaient constamment aux dépressions internes. Comble de malheur, lorsque l’eau de mer avait réussi à s’infiltrer dans l’obturateur extérieur pris en défaut par une vague de travers et qu’elle filait dans le conduit d’échappement des gaz menant aux moteurs, elle envahissait la chambre de combustion, la noyait en provoquant un panache toxique qui enfumait l’habitacle des mécanos et se disséminait alentour. En fonction de la dimension du nuage toxique, il fallait, soit émerger pour ouvrir le panneau du kiosque permettant l’entrée d’air, soit plonger en passant en propulsion électrique et en mettant aussitôt en route les ventilateurs. Alors là, je ne donnais pas cher de ma peau ! Hoquetant sous mon inhalateur d’appoint, j’essayais au plus vite d’arrêter les émanations mortelles pour ne pas voir l’équipage plonger dans les affres de la suffocation.
Bis repetita placent, disaient les Romains. Les choses répétées plaisent, eh bien non, pas chez nous, où la succion de l’oxygène ambiant aspiré par les moteurs diésel exerçait une pression extérieure trop forte sur la membrane du tympan et provoquait une dépression dans sa caisse auditive, laquelle stridulait alors méchamment ses gammes aiguës dans le tuyau de l’oreille intérieure ! Individuellement et de force, il nous fallait rétablir l’équilibre entre la pression extérieure de l’air à bord qui se retrouvait comprimée, et la pression intérieure de l’oreille moyenne en essayant d’insuffler de l’air par les trompes d’Eustache. Le même phénomène est ressenti lorsqu’un avion atterrit trop rapidement : le passager ressent des bruissements dans l’oreille puis une surdité temporaire mais c’est une bagatelle insignifiante par rapport au vécu subi à bord du sous-marin où la dépression encaissée, tels des coups de poinçon vrillant atrocement l’ouïe, faisait valser les tympans. On s’asseyait, on se bouchait les oreilles, on se pinçait le nez lorsqu’on savait par ailleurs que les mécanos allaient insuffler de l’air comprimé dans les caissons d’assiette, soit à l’avant, soit à l’arrière. Cette simple manœuvre de leur remplissage créait un souffle traumatisant au point qu’on se demandait si la membrane du tympan ne se promenait pas au dehors du conduit auditif. A la longue cette aspiration devenait un supplice qui conduisit jusqu’à des perforations baro-traumatiques. Que faire ? Bâiller, mâcher de la gomme, sucer des bonbons, déglutir, se boucher le nez, fermer la bouche, remuer le cou, chacun avait sa méthode pour faire monter la pression pulmonaire dans les trompes d’Eustache qui produisaient un petit claquement dans les oreilles lorsqu’elles s’ouvraient. Heureusement qu’en prévision de ces horreurs on nous avait dotés de boules Quies appelées chez nous Ohrstöpsel et produites par la marque Ohropax !
Cet apport de bien-être acoustique m’a permis de maîtriser psychiquement les charges tonitruantes qui nous environnèrent le 29 avril 1945. Gardant par ailleurs mon self-control, je peux dire que les fameuses boulettes de cire ont atténué constamment les mille-et-un bruits caustiques vécus dans ce cachot-sous-la-mer. Il faut savoir que le bruit est considéré comme l’un des plus grands risques pour la santé. Pour s’en convaincre nous savons que des rats élevés en laboratoire au beau milieu d’une cacophonie indescriptible meurent exténués par le BRUIT (qui rend irréversible la perte de l’ouïe) ! Hast Du Ohropax im Ohr, kommt Dir Lärm wie Stille vor."
Si tu as des boules Ohropax dans l’oreille, tu auras l’impression que le bruit te semblera être du silence !
Le KTB, journal des opérations, énumérait au fil des jours nos différentes missions, telles les protections menées auprès des cargos sur la ligne Stavanger-Trondheim-Bergen ou l’ordre d’attaquer un convoi allié dans l’Océan Glacial Arctique (Eismeer) peu après notre passage par Narvik. Dans ce Kriegstagebuch (les renseignements ont été mis en forme à partir des U-Boot-Archiven par l’Obersteuermann Alfred Wassermayer), on y relatait les événements majeurs, les changements de programme reçus de la hiérarchie FdU, les messages et les intentions-réflexions qui guidaient l’opération ou la mission en cours. Sachant que nos émissions-radio étaient devenues des secrets de Polichinelle et que l’envoi de messages se prêtait idéalement à la goniométrie à partir des stations d’interception alliées installées sur le pourtour de l’Atlantique, il fallait agir avec circonspection. En effet, à partir des faisceaux de triangulation qui déterminaient avec précision la localisation des U-Boote, les chasseurs ailés connaissaient la longitude et la latitude de leurs proies, donc une piste de chasse toute tracée sur laquelle ils n’avaient plus qu’à fondre dessus ! Il ne se passait pas un jour sans qu’on ne vît rôder sur l’horizon ces aigles-de-fer difficiles à détecter par nos vigies qui avaient l’œil pourtant vissé sur leurs jumelles. Heureusement que nous avions à bord un veilleur doté d’une acuité phénoménale, avec des yeux d’aigle capables de discerner le minuscule point noir d’un avion volant dans le bleu clair horizon que d’autres vigies n’auraient découvert que trop tardivement ! Son regard perçant nous a bien aidés pour nous esquiver chaque fois à temps du péril mortel.
En partance vers la Norvège, nous avons fait ample provision de denrées à caser à bord au point, disait le cuistot, qu’il lui était impossible de planter la moindre pointe de brochette dans sa planche à découper ! Le deuxième W.C. avait été nettoyé nickel chrome pour y stocker le condensé d’une épicerie. Nous n’avons jamais eu à nous plaindre des repas pris à bord. Il y avait peu de soupes, par contre des légumes comme les petits pois et haricots à foison, des saucissons de garde (Dauerwurst), des gâteaux au crumble (Krümmelkuchen), de la marmelade, du pain en conserve, ce dernier pas forcément prisé par les fins gourmets. Un peu comme dans toutes les marines du monde, le coq avait intérêt à se surpasser s’il ne voulait pas être débarqué comme un bon à rien ! Initié durant 6 semaines à l’art de la gastronomie, le cuisinier (Koch) nous mijotait des plats délicieux, telle une succulente viande rôtie accompagnée de légumes et de pommes de terre en robe des champs que nous épluchions nous-mêmes, assortie de temps à autre d’un gâteau encroûté de sucre glace.
Le 21 juin 1944, nous avons enfin pu quitter Kiel en compagnie des U-393, 396, 867 et 1060 pour émigrer en Norvège à Stavanger Hillevaag, mais il fallut assurer au préalable des essais de profondeur à 2A (-160 mètres) en traversant le Kattegat. Après notre arrivée en Norvège, faisant désormais partie du Gruppe Mitte, nous avons participé à l’opération Falke (Faucon) qui consistait à faire la chasse aux sous-marins ennemis au cours de laquelle un premier télescopage se produisit dans le Högsfjord, avec une semaine de réparations sur le slip du Moss Rosenberg Werft de Stavanger. Au cours d’une alerte aérienne le 3 juillet qui nous a obligés à plonger, l’avant du sous-marin a percuté dans le Lysefjord un haut-fond à – 38 mètres qui nous a alors coûté un mois de réparation, suivi derechef d’une collision dans la jetée !
Souvent tributaires de ballasts qui s’alourdissaient à l’avant (Vorlastigkeit) en raison d’excès d’eau embarquée, ce qui nous occasionnait des pointes négatives nous entraînant sans le vouloir vers le socle continental truffé de récifs insidieux, nous avons connu une nouvelle Grundberührung qui nous a fait percuter un rocher dans le fjord. Avec le nez retroussé (Steven) du sous-marin drôlement arrangé par l’impact, il a fallu aller réparer les dommages sur l’avant de la proue au Germania Werft de Drontheim. Nous avons signalé à la hiérarchie la position de l’accident pour réactualiser la Seekarte des lieux car le point estimé du haut-fond était incorrect.
Par dépit devant les ennuis qui s’accumulaient, le commandant se rasa la barbe, nous affirmant que par ce geste il souhaitait ne plus faire de notre bateau un bâtiment abonné durablement aux chantiers navals (ein Werft Dauerboot). Nous ne restâmes pas inactifs puisque nous prêtâmes main forte et bonne volonté (Bereitschaft) aux travaux de réparations. Puis, lors de l’entreprise Specht (pic) du 30 octobre 1944, nous avons surveillé l’installation d’un mouillage de mines dans le Skagerrak (Frontboot mit Einsatz zu Minenunternehmung) avec sa localisation à rapporter fidèlement au FdU West, Führer der Unterseeboote qui est l’Officier en Chef responsable de la zone géographique Ouest. Peu de temps après, une soixantaine d’entre elles, ramenées du fond par une mer démontée, explosèrent. Le 5 novembre, lors d’un nouveau poser au fond à A+18, notre U-Boot eut toutes les peines du monde à s’extraire d’un amas informe de vase et de pierrailles (Schliere) tapissant l’instable plancher marin. Malgré ces quelques avatars, l’Amiral Godt précisa dans son rapport que l’U-427 s’était bien comporté dans cette première (simple) opération, sans contact avec l’ennemi, et que l’équipage avait surmonté les difficultés de navigation, ce qui laissait augurer de belles perspectives de succès.
Mais la poisse continuant, il a fallu faire installer une résistance de chauffage sur le périscope de croisière puis revérifier l’une des hélices qui hoquetait sous l’effort, faire réparer une tête d’entrée d’air d’un compresseur et, -heureuse initiative, nous avons été dotés d’un conjugateur en prévision d’un possible départ vers l’Océan Glacial (Eismeer). Avec notre U-427, dernier U-Boot à bénéficier d’un revêtement spécial en caoutchouc synthétique (Spezial Oberflächenbehandlung) pour absorber les signaux de détection sous-marine de l’asdic, nous devrons sans doute notre survie exceptionnelle à ces plaques de camouflage de 2 cm d’épaisseur, peintes en noir et cémentées (atramentierte Tarnkappen, du latin atra = noire) qu’on nous installa sur le pont à la Germannia Werft de Drontheim le 24 novembre 1944.
Après un essai de plongée à – 200 mètres (2A + 40) qui confirmait la parfaite étanchéité du submersible, nous avons effectué 18 patrouilles dans ce qu’on peut appeler notre Mer des naufrages, au cours desquelles nous avons été constamment impliqués en premières lignes dans des navettes de protection (Pendelfahrt) pour accompagner les cargos bourrés de minerai de fer ou les navires de ravitaillement, en servant de flanc-garde à leur protection entre Stavanger, Mole, Aalesund, Hauges, Egernsund et Kristiansand.
Amarré lors d’une nuit frisquette dans le Flekkefjord, notre U-Boot se retrouva serti dans la glace qui l’avait figé et piégé dans les eaux tranquilles. Comme il nous était impossible de nous dépêtrer de la gangue qui nous environnait, le capitaine fit plonger son submersible pour mieux remonter crever les plaques de surface. Ayant alors de quoi faire remuer librement les hélices autour de l’aire d’amarrage cette fois dégagée, nous avons lancé les moteurs pour briser le miroir glacé qui s’étendait dans le fjord.
Le 21 décembre 1944, une hécatombe ! Les U-J 1113 et 1116 (U-Boot Jäger) ainsi que le ‘Weichselland’ coulaient pour avoir foncé dans un barrage de mines posées deux jours auparavant par le sous-marin français Rubis ! Ayant dû arrêter les secours suite au danger sournois des mines qui rôdaient entre deux eaux, et après une nouvelle collision sur le fond marin à Björnskot-Bake, nous avons néanmoins pu récupérer 28 rescapés qu’on installa sans crainte de danger aérien sur le pont et qu’on ramena ainsi à Stavanger étant donné que l’aviation ennemie ne s’aventurait pas trop près des batteries côtières.
Le 9 janvier 1945, en forte compagnie de soutien avec les Minensuchboote M. 2, 411, 456 et le U-J Brahe, nous assurions la protection des cargos ‘Columbia’ et ‘Forbach’ de 7 984 BRT entre Marviken et Stavanger.
Lors de la 10ème navette effectuée le 11 janvier 1945, à 23.38 dans le carreau AN 3277, alors que notre bateau se trouvait intégré dans un convoi au sud-ouest de la Norvège, on tira un triplé sans succès sur un groupe de destroyers anglais qui venaient de terrasser le ‘Bahia-Camarones’ puis la ‘Charlotte’ . A 00.12 et 00.45, nous expédiâmes deux nouvelles torpilles suite à des localisations perçues par nos hydrophonistes. Après ces deux tirs, des détonations et des bruits de naufrage furent dûment constatés. D’après nous, notre U-Boot avait sans doute coulé 2 destroyers sous les vivats enthousiastes de la Mannschaft.
Il ressortait de notre bref rapport envoyé à l’Amirauté le 12 janvier qu’il était probable, au vu de la situation vécue la veille, que notre U-427 ait pu couler l’un des destroyers après l’observation du tir au but suivi de bruits indiquant un naufrage possible. Il pourrait même s’agir d’un croiseur. Dans nos bulletins qui ont suivi nous avions relaté avoir effectivement entendu les fameux Ambosschlag dans la nuit du 11 au 12 janvier 1945, les coups d’enclume victorieux annonçant un toucher au but sur des croiseurs anglais. Le rapport de l’OKW publia la rumeur en annonçant la réussite du U-427, ceci pour faire réagir l’adversaire qui ne tarda pas à se faire entendre par un bref communiqué les jours suivants. Ce 12 janvier, lors d’une alerte aux avions où nous dûmes nous caler sur le fond marin à -20 mètres dans la baie de Rägavik, nous avons ensuite émergé suite au signal convenu d’une explosion de grenade mettant fin au danger aérien. Nous sommes ensuite partis à la recherche d’objets ayant pu appartenir aux destroyers anglais et provenir de notre torpillage réussi de la veille, du moins le supposions-nous ! Dans l’optique de pouvoir valider notre victoire, le FdU lança des recherches au lever du jour en impliquant des observateurs aériens qui survolèrent les lieux de la confrontation. Une grande et cinq petites radiolocalisations de cibles y furent détectées ce qui rendait le naufrage du croiseur fort plausible.
14 janvier 1945 : D’après les rapports de l’ennemi, les Anglais avaient impliqué 2 croiseurs et 3 destroyers lors de leur opération contre un convoi allemand à Egersund le 11 janvier.
Tout en continuant d’assurer nos allers-retours, les ouvriers de l’arsenal nous installèrent début février 1945 un radeau pneumatique dans un habitacle spécial disposé sur le pont et réparèrent la mitrailleuse flak 2 cm.
Le 11 février, à la sortie d’Egernsund, nous fûmes attaqués par un avion de reconnaissance ennemi dont les bombes manquèrent leur but. Nous revînmes au port envahi par les mines que l’aéronef venait de larguer.
Le 18 février, à 9.10, lors de notre 18ème trajet assurant le transit entre la base navale de départ d’Egernsund et le port d’arrivée pour cargos de Farsund, nous avons touché par éclat un avion Mosquito qui nous survolait.
Après l’arrêt de l’Unternehmung-Pendel (Opération Pendule ou Balancier) ponctuée par 18 sorties de protection, l’U-427 arriva en solitaire le 23 février 1945 à Bergen sous la conduite du Marine-Lotse (pilote) Petersen. Au dock de la Danziger Werft à Bergen, on put faire réparer les dommages que nous avaient occasionnés les éclats de mines du 21 décembre 1944. En sus de l’installation du schnorchel dont la formation à sa navigation fut initiée par le Leitende Ingenieur Funke, on équipa le Boot de torpilles LUT et d’un Hohentwiel (radar) performant assurant une détection à 60 milles nautiques à la ronde.
Le Runddipol était cet équipement qui indiquait au capitaine si son U-Boot était devenu le point de mire des opérateurs-radars ennemis. Prévenu à son tour par des tenues de contacts électroniques sur l’adversaire (était-ce un bateau ? un avion ?), le commandant pouvait mieux s’organiser : ou plonger ou bien se mettre en position de défense avec des mitrailleurs installés derrière leurs armes de réplique.
Dans les parages des convois, rien de plus mortel que le sillage d’écume produit par le tuyau du schnorchel avec sa tête souvent éclaboussée par les embruns, ou les gaz d’échappement dilués certes sous l’eau mais qu’un panache noir de fumée dû aux deux moteurs mis plus fortement à contribution voire la mauvaise carburation liée à un fuel lourd mal raffiné trahissaient la présence de l’intrus. L’ombre du squale d’acier se profilant facilement sous les flots accentuait la hantise d’être découverts par le survol d’avions de reconnaissance si prompts à dégainer leurs armes de bord qui contrebattaient la rapidité de notre plongeon dans les flots salvateurs.
Le 9 avril, sortie de Bergen en duo avec le patrouilleur Vorpostenboot 5116 qui toucha un récif ce qui nous obligea à le raccompagner au port. Le lendemain, départ pour Narvik, ville marquée par les combats de 1940, là haut près du cercle polaire ! Nous fonçâmes à grande vitesse et en zigzag à travers le Vestfjord pour parer à la menace constante de l’aviation de chasse alliée.Le 20 avril, à l’entrée du port de Narvik, nous nous plantâmes dans un banc de sable : il fallut attendre la marée haute pour s’en dépêtrer, avec en surcroît une fuite sur un circuit d’air et une non-étanchéité constatée sur le panneau cylindrique bâbord 3 (Zylinder Kopfdeckel Bb3). Nous accostâmes le long du ‘Huascaran’, notre bateau d’approvisionnement en fournitures diverses.
Le 21 avril 1945 tombait l’Operation-Befehl Nummer 15 für Nordmeer U-Boote qui nous signalait le passage d’un convoi allié à hauteur de l’île des Ours. Un pilote embarqué à bord qui connaissait les passes à franchir fit évoluer notre sous-marin le long des fjords de Tjeldsund et d’Andfjord avant de nous amarrer sains et saufs à Harstad. Lors de cette course menée tambour battant pour rejoindre la meute de loups (Wolfpack) chargée d’anéantir le convoi (Unternehmung Faust, Opération Poing) du 21 avril au 30 avril 1945), nous connûmes à nouveau des soucis dans les conduites d’air comprimé, un moteur stoppé et de la surchauffe dans l’embrayage principal.
Un Catalina nous repéra mais nous pûmes lui filer entre les ailes après l’avoir détecté à 9 miles de distance.
Le 25 avril, c’est un avion (Hudson ?) qui nous détecta. Tandis que les explosions venues de plein sud rappliquaient, le groupe adverse de recherches arriva peu après sur les lieux. « Vite aux postes de combat, plongez » hurla le capitaine. Les charges continuelles, d’abord lointaines et espacées, se rapprochaient inexorablement. A 13 heures 38 en ce 25 avril, tel que le décrit le KTB, 20 Wabos (Wasserbomben) éclatèrent à 500 mètres de notre bâtiment et le Suchgruppe ne nous lâchait plus avec 180 nouvelles charges larguées depuis midi à moyenne distance. Durant notre poser au sol à -160 mètres, la pluie de grenades continuait…
Nous essayâmes de nous défausser de leur présence. A 16.55, les limiers se tournaient direction nord-est, en continuant de semer au petit bonheur leurs charges.
Le 26 avril, l’U-711 de Lange annonçait le passage du convoi dans le carreau AC 8864. Il nous fut impossible de naviguer au schnorchel dans une mer trop lisse et une vue dégagée à 12 nautiques à la ronde : le sillage écumant laissé par le renifleur fendant les flots nous aurait condamnés sans rémission ! Nous établîmes notre gîte par 120 mètres de profondeur pour économiser l’énergie électrique sachant que l’arrivée du convoi signalé par un message FT était prévu dans les prochaines heures.
Un nouveau Funk Telegramm arrivé le 27 nous précisait qu’une attaque prévisible du convoi allait avoir lieu dans le carreau AC 8828.
Schnorchelfahrt, légère houle, temps couvert alternaient avec nos plongeons en raison d’un danger aérien permanent. Montée du périscope avec horizon scruté toutes les heures. Ennuis et pannes sur l’Unterwasser Telefon saturé et sur le sonar soumis à une surtension de chauffage (unter Heizspannung).
Le 28 avril, nous esquivions un Catalina qui volait à 500 mètres d’altitude et à 2 km de distance de notre bateau qui plongea illico. Cinq bombes d’avion explosèrent à moyenne distance. L’eau étant conductrice, les ondes de choc ébranlèrent fortement notre submersible. Une grave question nous turlupinait : « Pourrions-nous plonger en sécurité, là si près des hauts-fonds pour leur échapper ? »
Le lendemain soir 29 avril, au crépuscule, c’était l’ENFER qui débutait !
Sous la pluie et par temps couvert, nous entendîmes des bruits lointains continuels émis par le convoi naviguant en direction de Kildin. A 20.13, un champignon noir de fumée s’élevait au-dessus de Mourmansk, était-ce un tanker en feu ou un brouillard artificiel libéré par l’ennemi ?
20.44 : un convoi semblait s’avancer dans notre direction.
20.55 : bruits de turbines et de pistons.
22.00 : plusieurs ombres se profilaient à l’est, distance 2-3 milles, apparemment l’avant-garde.
22.20 : un destroyer sortit brusquement (schlagartig) du brouillard, à 6 hm devant nous.
Mise en route du Vorhalterechner avec les Schussunterlagen suivantes : Gegnerkurs links, Lage 90, Vg = 10 sm, E = 10 hm, Tiefe 4, Vt = 30, Mz ein, V. LUT rot 6,16, Vorlauf lg 13, 18, 23, Abkommpunkt Zerstörer vorderer Mast. (Coordonnées injectées dans le conjugateur en prévision des 3 tirs sur les destroyers ennemis).
22.22 : au moment de notre triplé de torpilles LUT (I, II, IV), un phare ennemi illumina notre périscope. Immersion immédiate ! Comme les ballasts se laissaient difficilement inonder puis purger, le chef-timonier arriva avec beaucoup de chance à maîtriser l’U-Boot à 160 mètres de profondeur. Sueurs froides garanties !
Le ratage de nos torpédos sur les deux cibles eut pour conséquence un regroupement de chasseurs qui patrouillait aux abords du convoi. Les choses se corsèrent avec l’attaque à 23.23 d’une corvette évoluant à 200 mètres de notre bateau puis à 23.29 avec la poursuite menée par la même corvette et un destroyer muni d’un foxer, un appareil attrape-torpilles émettant un bruit visant à attirer les torpilles acoustiques, appareil faut-il le rappeler que l’on attache à un long filin à l’arrière des escorteurs.
23.30 : 20 ampoules et 40 fusibles éclatèrent dans leur support, nous plongeant dans un noir de cercueil avant que le générateur de secours ne diffusât quelques lueurs pâlottes dans les lampes restées intactes.
23.40, une corvette munie d’une Kreissäge s’attardait dans les parages.
Entrés en piste, des destroyers écumeurs des mers, des chasseurs de scalps métalliques et de rapides coursiers se lancèrent à notre poursuite, l’asdic étant leur flair électronique. Tels des chiens de ferme entourant avec leurs chiots gourmands la meule de foin où s’était engouffrée la souris désemparée, au milieu des aboiements rauques et des intrusions de leurs truffes fouineuses dans le fourrage, tout prédisposait inéluctablement à la capture de la proie, à moins qu’elle ne trouvât providentiellement un trou de souris ! Eh bien, nous avons vécu une telle battue ! Avec la vista et l’instinct de survie du capitaine, et il le faut l’avouer, avec notamment une part heureuse du destin, nous avons pu esquiver la pluie de grenades et de charges profondes (Bombenregen) relayée constamment par l’asdic fureteur qui cherchait à épingler notre coque.
A côté des bruits intempestifs qui résonnaient comme des grondements ébranlant par leur virulence hommes et machines, la froidure s’amplifia encore dans le compartiment des machines électriques. Dans cette glacière infernale, je dus m’affubler du masque pour supporter les émanations néfastes qui se dégageaient des fils en surtension au point de désagréger leurs gaines du fait qu’elles étaient en train de cuire. A force d’encaisser les charges, des conduites et des tuyaux soumis aux déflagrations de plus en plus proches laissaient sourdre des pissats gluants d’huile qui ajoutaient au malaise ambiant.
A chaque instant, les plus pessimistes d’entre nous, verts de trouille dans notre carcasse métallique, s’attendaient à voir crever les ballasts sans lesquels nous ne pourrions plus remonter en surface. L’angoisse se lisait sur les visages, elle habitait les regards hébétés d’hommes pétrifiés qui attendaient la mort. Les explosions continuelles embrasaient les flots autour de nous. Confiné dans ma salle des E-Maschinen, j’étais trop absorbé par le souci de maintenir en service l’appareillage électrique pour que je me laisse influencer par la gravité de la situation, mais lorsque les explosions dignes de l’apocalypse nous ont environnés, j’ai prié le Bon Dieu en implorant sa miséricorde et je pense ne pas avoir été le seul dans ce cas de détresse absolue! Car des décharges tonitruantes semblaient comme fracasser l’habitacle lequel, à son tour, nous secouait si violemment que l’angoisse pesante frappait jusqu’aux plus intrépides. Nous étions devenus des renards traqués dans notre tanière métallique par des chiens de garde enragés qui plantaient leur museau de recherche et leurs cliquètements agressifs dans l’eau glaciale, histoire de nous ‘merrasser’.
Changeant de caps pour brouiller les pistes, évoluant légers comme des ailerons de requin, nous essayâmes de leurrer la meute avide. Le commandant, très fin stratège, ordonna plusieurs poses dans les fonds bas, à l’extrême limite de nos possibilités de plongeon, ceci pour éviter de voir se disloquer la coque que les plus angoissés auraient voulue, en ces instants fatidiques, aussi épaisse qu’un blindage de panzer !
Brave capitaine Gudenus qui ne chercha jamais un haut fait de gloire pour décrocher le collier de la Ritterkreuz, alors que d’autres commandants se voulant plus intrépides n’ont guère pu la garder très longtemps. L’ambition de ces fiers-à-bras ne consistait-elle pas à pouvoir se nouer la Croix de chevalier autour du cou pour résorber un mal-de-gorge (Halschmerzen) ? C’est du moins ce qu’insinuaient des râleurs très vindicatifs, rencontrés au port ou dans les bars à l’évocation de cette breloque pour laquelle un de leurs parents ou un ami avait disparu en mer.
Hélas, combien d’équipages héroïques trépassèrent ainsi pour avoir rêvé de conquérir cette notoriété éphémère ?
Très enthousiastes au départ de la formation, beaucoup d’entre nous avaient rangé progressivement leur ardeur guerrière dans l’armoire de la prudence et de la réserve. Moins on montrait le bout du nez, mieux on se portait !
On ne peut pas imaginer le stress et l’angoisse extrême qui vous assaillent continuellement lors des immersions ! A ce sujet, nous avions invité, en échange de bons procédés, lors du Tag de la Wehrmacht, une unité de fantassins (qui nous avait prêté ses chevaux pour un bol d’air à la campagne) à venir visiter notre bâtiment. Aucun d’entre eux, pour tout l’or du monde, n’a voulu rester à bord !
Après l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler dans la Wolfschanze de Rastenburg, un officier de tendance N-S vint s’intégrer à l’équipage et nous surveiller (Überwachung), l’oreille aux aguets. Consigne stricte nous avait été donnée pour ne faire aucune critique désobligeante (abfällige Kritik) et encore moins des remarques déplacées (unpassende Bemerkung) sur le régime, mais surtout mettre en sourdine notre rejet du national-socialisme car on ne badinait pas sur les dérapages verbaux. D’ailleurs un capitaine d’U-Boot en fit les frais . Mais revenons à notre nuit explosive ! « A gauche, toutes ! Cap au 85°, en avance lente ! En arrière ! Remontez à 25 mètres ! » Les ordres se suivaient pour trouver l’échappatoire face à des poursuivants qui nous collaient littéralement aux basques (Verfolger kleben wie angeleimt). Modifications de cap menées des centaines de fois, marche silencieuse et rampante (Schleichfahrt), évolutions à différentes vitesses sous l’œil perspicace de l’ingénieur scrutant en connaisseur averti la jauge électrique nous permirent de passer entre les éclats baladeurs des charges de profondeur. Combien de temps devions-nous encore rester tapis au fond de la mer ? A quand la remontée pour aérer ? Le cognement lancinant des pistons émis par les corvettes renifleuses nous incitait à la patience au milieu d’une lumière blafarde qui rendait les hommes pareils à des spectres qu’un linceul aquatique, nous semblait-il, allait tôt ou tard submerger à jamais !
Agglutinés dans les salles avant et arrière comme des canetons apeurés avec leur tête s’enfonçant machinalement dans le cou à chaque crépitation, les gars fixaient leur regard interrogateur vers le plafond.
Groupés en communion fraternelle, ils s’encourageaient en opinant de la tête ou en tapotant de la main l’épaule voûtée d’un camarade lorsque les explosions retentissaient dans les parages immédiats. Certains priaient intérieurement dans l’espoir miséricordieux de continuer à croire en leur bonne étoile qui les avait si bien servis jusque lors. La froidure saisissait les gars hébétés qui ne misaient plus aucun mark sur leur chance de survie. Comment semer ces diables d’Anglais ? La teneur en gaz carbonique (Anreicherung der Luft auf CO² beeinträchtigt) qui ne cessait d’augmenter redoublait l’inquiétude des marins tourmentés par la terreur que leur inspiraient les nouvelles explosions qui enclenchèrent aussitôt une panne du ventilateur d’extraction d’air (Ablüfter) ! Maudits tuyaux manquant évidemment d’oxygène d’urgence en ces instants cruciaux pour suppléer notre détresse respiratoire (Notatmungsschläuchen) ! Dans cette confusion des sens, comment calmer les battements du cœur qui cognait à tout rompre, tranquilliser l’esprit soumis à l’inquiétude permanente, briser la tension nerveuse sinon en adoptant une attitude apaisante. Face aux explosions qui nous tenaient et devant la terreur qui déroutait les plus endurcis, les pieux mensonges des officiers et leur calme apparent dissipaient le stress larvé par les intenses heures de déflagrations continuelles subies. Un de nos gars perdit les nerfs, le commandant réussit à le calmer au moment où une horrible détonation secoua notre submersible où chacun pensa cette fois-ci au coup inéluctable qui allait nous faire passer de vie à trépas. Face aux ébranlements que nous renvoya alors l’onde de choc tonitruante qui bouleversa l’intérieur, la pompe de vidange principale, les aérateurs, le ballast arrière, le gyroscope, les purges des ballasts n° 3 et 5, et, en prime, l’hélice bâbord, -nerf moteur du bateau par excellence-, donnèrent de singuliers signes d’avaries qui minèrent encore plus le courage de plus endurcis.
Quand donc cette damnée chasse aux hommes cesserait-elle ?
Les extraits du KTB évoquent laconiquement la suite des événements vécus par l’U-427:30 avril : à 06.08 consommation électrique pratiquement épuisée. Montée périscopique. Catilina à 70 hm qui ne nous a pas vus. Envoi message 0609/745 : U-boot devenu in-insubmersible et non étanche.
Nous fonçons vers le nord-ouest, moteurs en surrégime pour alimenter les accus à sec. 1-2 avions Catalinas à 7-9 km qui n’attaquent pas. Le L.I. annonce que l’U-Boot a été réparé sommairement et qu’il est capable de plonger.
Après quelques essais d’immersion, nos plongeons restent limités. Positionnés au Qu 8585.
Servants de mitrailleuse postés, safran avant bloqué. Il nous faut rester en surface : Oberbleiben eingestellt.
A 10.42, un Catalina sort du soleil, à 150 mètres de hauteur, distant encore de 4 km. Autorisation de tir donnée aux mitrailleurs du canon 3,7. Puis nouvelle autorisation de feu donnée à 2 000 mètres pour les servants des mitrailleuses de tir anti-aérien de calibre 20. Quatre bombes munies de parachutes tombent à 150 mètres dans la mer (Bach) dans le Qu 8439. Le pilote rate le survol, ses armes de bord tirent trop court. Pas de dégâts.
11.00 : le Catalina reste à distance de nos mitrailleuses. Comme il faut craindre l’arrivée d’autres intrus, nous faisons des essais de plongée. Les servants ont été ramenés à bord sauf 3 hommes qui contraignent l’avion à se tenir à distance. Nous plongeons à A-20 (60 mètres), en prenant la direction N-O.
22.07, moteurs poussés à 2 fois leur moyenne vitesse.
1er mai : émission du message FT 0627/765 à destination du FdU Nordmeer : « Gudenus signale purges 3 et 5 non étanches, ballast arrière percé, périscope de croisière noyé , l’embrayage patine, je dispose de 45 m³, assistance non nécessaire.»
2 mai : alertes aériennes, vitesse lente alternée diésel-électrique.
3 mai : essai de plongée impossible car purges de secours fermées. 15.25, arrivée à quai à Kilbotn.
Distance parcourue sur l’eau : 1192 Seemeilen et sous l’eau : 897 milles nautiques.
Rapport final : 1ère course dans les eaux ennemies, 1ère marche au schnorchel. L’équipage a gardé sa pleine confiance dans la solidité du sous-marin. Le meilleur temps pour schnorcheln se situe entre 22.00 et 2.00, période où l’on peut recharger à plein les batteries. Nous utilisions 1 moteur diésel à 350-400 tours pour charger les accus, tandis que le 2ème diésel ne devait pas dépasser les 300 tours, sinon la vue vers l’avant se trouvait amoindrie à cause de la vague d’étrave.
Pour naviguer, nous nous référions aux relevés de positions données grâce aux côtes toutes proches.
Comme le Rundippol installé sur le schnorchel était trop souvent submergé, nos réceptions comportaient des bribes de messages. Le manque de masques à oxygène nous a desservis et sans une certaine volonté (ohne einiger Willenskraft) et détermination nous n’aurions pas pu surmonter cette épreuve.
Les bulles d’air qui s’échappaient du ballast n° 3 allégeaient le bateau mais en même temps trahissaient notre périple sous-marin aux yeux des poursuivants. A partir du moment où nous arrivâmes à fermer les purges de secours, les repérages diminuèrent et les wabos s’éloignèrent.
Historique du convoi RA-66 : Du 29 avril au 2 mai 1945, dans le cadre de l’opération Faust eut lieu la dernière attaque de la seconde guerre mondiale contre le convoi RA-66 composé de 27 navires marchands. La sécurité rapprochée était assurée par le 7. Escort Groupe qui comprenait le Sloop Cygnet, les corvettes Alnwick Castle, Bamborough Castle, Farnham Castlle, Honeysuckle, Lotus, Oxlip, Rhododendron, le groupe de couverture composé du croiseur Bellona, des porte-avions Premier et Vindex, des destroyers Zealous, Zephyr, Zest, Zodiac, des vaisseaux canadiens Haida, Huron, Iroquois et du navire norvégien Stord. Près du tanker Blue Ranger se tenaient les destroyers Obedient, Offa, Orwell. En outre, le 19. Groupe Escort composé des frégates Anguilla et Loch Shin et des destroyers d’escorte Cotton et Goodall assurait également la protection. Dès le départ du convoi allié, les destroyers Derzki, Sowjet, Zharki, Zhestki et 4 BO chasseurs de sous-marins furent envoyés dans la région devant le Kolafjord pour chercher à repousser les sous-marins allemands U-278, U-286, U-295, U-307, U-312, U-313, U-427, U 481, U-711 et U-968. L’U-Boot 307 (Oblt.zS Kruger), localisé par le HMS Loch Shin fut contraint de faire surface et fut alors coulé. L’U-286 (Oblt.zS Dietrich), torpillé par la frégate Goodall et lourdement endommagé, fut sabordé plus tard. L’U-968 (Oblt.zS Westphalen) tira sans succès, sans doute sur la Corvette Alnwick Castle. Une heure plus tard, l’U-427 (Oblt.zS Gudenus) rata ses objectifs, les deux destroyers canadiens, NCSM Haida et Iroquois, et dut passer par une persécution longue et sévère de grenadages, on recensa 260 détonations de Wabos d’après le KTB. Devant les risques posés par les forces navales soviétiques, l’U-313 fut détaché par suite d’un message-radio vers l’U-427 pour lui fournir une assistance face à son immersion devenue incertaine. L’U-481 et l’U-711 rapportèrent des tirs manqués sur les destroyers (faisant probablement partie du groupe de couverture) puis annoncèrent des dommages subis ultérieurement par des Wabos. Dans la matinée du 30 avril, comme la reconnaissance aérienne allemande ne pouvait plus suivre la route du convoi, l’opération dut être arrêtée. Les derniers sous-marins furent forcés de quitter les lieux et ne purent plus se rapprocher du convoi qui entra dans l’estuaire de la Clyde le 8 mai.
Conclusion :
Dans un premier temps, j’ai maudit ma captivité. Débarqué dans le Firth of Forth près d’Edinburg le 16 mai 1945, je suis parti avec la moitié de l’équipage en wagon Pullman vers Londres tandis que l’autre partie restait aux manœuvres pour ramener l’U-Boot au nord de l’Ecosse. J’ai d’abord été impliqué dans la réfection des chaussées, puis j’ai travaillé chez un farmer. Un beau job ! Je lui ai d’emblée inspiré confiance, en lui rangeant son bric-à-brac traînant dans sa ferme, puis je lui servis de mécano à tout faire, notamment pour son tracteur qui tombait souvent en panne. En décembre 1946, après les retrouvailles avec une grande partie de l’équipage du U-427 en gare de Londres, c’était le retour vers l’Allemagne, à Munster d’où je fus ensuite dirigé vers la Sarre, tenue par les forces d’occupation française. Mes meilleurs moments de sous-marinier resteront le temps libre et les escapades dans la nature, histoire d’évacuer mon mal-vivre à bord !