Schmitt André , né le 20/07/1926 à Cappel

A deux doigts du naufrage le 22 septembre 1944 :  La mainmise ennemie s’accentuait autour de la baie de Riga.

Un jour, il nous fallut saboter les canons puis nous embarquer sur les navires accostés le long des quais de Reval. L’exode avait jeté dans les rues des milliers de familles fuyant l’horreur et l’épouvante. Femmes, enfants, soldats, tous embarquaient à bord dans une indescriptible cohue. Nous prîmes la mer, suivis de deux gros transporteurs mieux armés, me semblait-il, car leurs superstructures étaient hérissées de mitrailleuses quadruples et de canons jumelés. Notre navire marchand, le RO 22 jaugeant 4 370 tonneaux, une prise de guerre hollandaise du nom de Westplein, était simplement doté de pétoires à affoler les goélands. Notre feu de réplique était si insignifiant que c’est vers notre bord que se dirigèrent tout naturellement les oiseaux d’acier russes.

Echaudés par l’ardente salve d’artillerie de nos deux voisins, les trois avions préférèrent s’en prendre à nous pour nous décocher des torpilles qui firent mouche à l’arrière du bateau, éventrant le pont jusqu’à la cale.

Cette attaque se passa devant Baltisch Port, là où fut également coulé le cargo Malaga de 2 146 BRT. Quant à notre esquif transformé en passoire, il accusa très vite une gîte inquiétante, se coucha de travers tout en pointant sa proue dans le ciel. Ce n’était que hurlements à bord: plus de trois cents morts et blessés gisaient, atrocement mutilés dans les enchevêtrements de ferrailles tordues. Plusieurs centaines de personnes se jetèrent, affolées dans les eaux froides où, rapidement tétanisées de froid, elles coulaient. Advienne que pourra!

Je ne savais pas nager et en me remettant à la grâce divine je pensais mourir englouti par la mer. Le capitaine -un homme au savoir-faire inestimable- réussit à maîtriser son navire désemparé. Les caissons étanches qu’il avait fait rapidement obturer avaient bloqué la montée des eaux; il nous demanda de faire contrepoids à l’avant. La montée vers la proue, pointée comme un arbre dans le ciel, se passa avec quelques difficultés.

Un intrépide matelot, puis un second et un troisième créèrent le long du bastingage une chaîne humaine dont la grappe pesante contrebalança progressivement la masse liquide embarquée.

La coque se retrouva bientôt d’aplomb d’autant plus que les pompes mises en route activaient le rejet de l’eau. Alerté par nos vedettes d’accompagnement, un U-Boot vint prendre à son bord des blessés grièvement atteints.

Notre vitesse se trouvait réduite à trois nœuds suite aux dégâts causés. Le pacha se détourna volontairement vers les eaux neutres suédoises, cherchant par ce biais à échapper à d’autres bombardements (voir carte). Durant notre navigation, il y eut encore une alerte sérieuse de torpillage: il fallut alors monter sur le pont. Une tempête sévit pendant trois jours dans la Baltique. A l’image des disciples angoissés du Christ pris dans les bourrasques du lac de Tibériade, je priais le bon Dieu de me sortir des dents de la mer.

Le bateau accosta début octobre à Dantzig où nous fûmes chargés de surveiller la base des sous-marins… (Schmitt André sera fait plus tard prisonnier par les Russes, Ndr).

 

 

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Bilder aus der Kriegszeit meines Onkels